« Il n’y aura pas de traité de libre-échange sans un accord de pêche équilibré »

Tribune de Pierre Karleskind, député européen et président de la Commission de la pêche, et Nathalie Loiseau, députée européenne, ainsi qu’un collectif de soixante parlementaires, publiée dans Le Monde, le 14/10/2020

Les Britanniques ont choisi démocratiquement de quitter l’Union européenne. Nous respectons ce choix souverain, même si nous croyons profondément aux atouts et aux vertus du projet européen. Quittant notre Union, les Britanniques abandonneront, le 1er janvier 2021, les droits et les devoirs, les avantages et les contraintes qui en découlent.Parce que la moitié de leurs exportations se font vers notre marché, ils négocient avec nous un accord de commerce. Parce que nous pêchons depuis des siècles dans des eaux aujourd’hui britanniques, nous négocions avec eux un accord de pêche.

Ces négociations touchent à leur fin : Britanniques comme Européens savent qu’il ne reste que très peu de temps pour trouver un accord. Représentants de nos concitoyens européens, nous devons veiller à leurs intérêts et ne serons guidés que par cela dans le vote qui sera le nôtre à l’issue des négociations.

Nous avons été clairs jusqu’à présent, et nous allons le rester : il n’y aura pas de traité de libre-échange sans un accord de pêche équilibré, durable et à long terme. Rien ne saurait justifier que nous changions d’avis. Ne laissons pas s’inverser la logique de la négociation : un futur accord de partenariat n’a de sens que s’il permet de protéger les intérêts de ceux qui le signent.

Il est clair que le Royaume-Uni a à perdre de sa sortie du marché unique, mais c’est son choix. Ce n’est pas en menaçant le secteur européen de la pêche qu’il ouvrira plus grand les portes du marché unique. Pourquoi les pêcheurs européens auraient-ils à pâtir d’une décision, le Brexit, qu’ils n’ont pas prise ?

La position européenne dans la négociation est simple et transparente : protéger nos concitoyens et nos entreprises et en aucun cas les fragiliser. Le secteur de la pêche ne fait pas exception. On aimerait la même clarté du côté de Londres : sans cesse, des entreprises britanniques nous interpellent pour nous faire part de leur désarroi face aux risques d’une absence d’accord et leur souhait de conserver des standards comparables aux standards européens.

Aujourd’hui, les pêcheurs britanniques s’inquiètent des conditions d’accès de leur pêche au marché européen après le 31 décembre. Ils ont raison, mais le gouvernement britannique ne paraît pas s’en alarmer.

Nous aurions pourtant tant à gagner à nous engager à la réciprocité ! Pas plus que nous n’exigeons le sacrifice d’entreprises britanniques sur l’autel de la protection de notre marché intérieur, nous ne saurions accepter le sacrifice de nos pêcheurs ! Nous demandons la continuité de l’accès aux eaux et aux poissons britanniques de la même façon que les Britanniques demandent l’accès à notre marché intérieur.

Disons donc cela au gouvernement du Royaume-Uni : « Nous traiterons vos entreprises sur le marché européen aussi bien que vous traiterez nos pêcheurs dans vos eaux. » Au gouvernement britannique de nous dire : « Nous traiterons vos pêcheurs aussi bien que vous traiterez nos entreprises » !

En un mot, nous n’avons besoin ni de réinventer les règles du marché intérieur ni de réinventer la politique commune des pêches, éléments tous issus de décennies de négociations auxquelles nous avons, des deux côtés de la Manche, participé. N’est-ce pas un proverbe anglais qui dit : Si quelque chose n’est pas cassé, inutile de le réparer ?

Il s’agit donc pour nous, membres du Parlement européen, dans la dernière ligne droite, de dire à notre négociateur ainsi qu’à nos chefs d’Etat et de gouvernement que nous sommes prêts à voter un accord. Nous y sommes prêts, mais pas à n’importe quel prix !

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Photo de Habib Ayoade sur Unsplash

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