« Nous n’avons que la planète Terre ! »

Tribune publiée dans Le Télégramme, le 26 août 2020

Il y a quelques jours, Bernard Poignant partageait sa foi humaniste, dans ces colonnes, en affirmant sans ciller que l’humain « s’en sort toujours » et que la Terre allait se réchauffer naturellement pendant encore « plusieurs milliers d’années ».

D’abord, la Terre ne se réchauffe pas naturellement. En tout cas, après s’être réchauffée en quelques milliers d’années à la fin de la dernière ère glaciaire, elle ne se réchauffe plus depuis 10 000 ans ! Les études paléoclimatologiques les plus récentes ont même montré que, depuis lors, et jusqu’à l’époque préindustrielle, la température globale n’a connu que de faibles variations, de l’ordre du demi-degré Celsius.

Sur une échelle de temps plus longue, celle du genre « homo » qui apparut-il y a environ 2,6 millions d’années, la température moyenne du globe a varié plus nettement. D’ères glaciaires en ères interglaciaires, des changements du climat se sont opérés. Mais on ne trouve nulle part trace d’un réchauffement qui aurait été aussi rapide et intense que celui auquel nous sommes confrontés.

Ensuite, quand Bernard Poignant affirme qu’« une seule espèce a traversé tous ces changements : l’Homo », faisons appel à notre sens commun et regardons par la fenêtre : on y voit, par exemple, des oiseaux. Ils sont les rares descendants des dinosaures éteints il y a des millions d’années. Nombre d’espèces existent depuis plus longtemps que nous sur cette Terre ! Mais quelle mouche (espèce apparue il y a 240 millions d’années sur notre planète) a piqué Bernard Poignant pour affirmer que, parce qu’elle serait supérieure aux autres en toute chose, homo serait la SEULE à avoir tout surmonté et survécu jusqu’ici ?

De surcroît, « Homo », qui désigne un genre regroupant plusieurs espèces d’hominidés, n’a pas traversé la Préhistoire sans heurts : Homo Erectus et Homo Neanderthalensis (l’Homme de Neandertal), qui sont des espèces du genre homo, ont coexisté avec nos ancêtres puis ont disparu. Elles n’ont pourtant jamais – et c’est le cas de tout le genre humain – été confrontées à l’intensité et au rythme des changements que nous traversons. Il y a 65 millions d’années, quand la cinquième et dernière extinction massive emporta les dinosaures, Homo n’existait même pas !

Et quelle hubris de prétendre que le genre humain survivrait à tout ! Pâques, Maya, Cahokia… : l’histoire de notre propre espèce, Homo Sapiens, regorge d’exemples de ces civilisations disparues suite à des changements du climat, à l’apparition de maladies nouvelles ou à la surexploitation des ressources naturelles.

Enfin, convoquer Galilée qui montra que l’homme n’était pas au centre du monde, pour conclure une tribune qui met l’homme au-dessus de tout : il fallait oser ! Rien ne vient justifier scientifiquement de placer l’espèce humaine au-dessus de tout, et en particulier du réchauffement climatique. L’humain est bien en bout de chaînes alimentaires qu’il a en partie construites, mais qui reposent d’abord sur la biodiversité. Or, le dernier rapport de l’IPBES nous dit qu’au regard de son rythme, l’actuelle crise de la biodiversité est sur le point de devenir la sixième extinction massive d’espèces sur Terre !

Nous n’avons que la planète Terre, alors, sommes-nous condamnés ? Je ne le crois pas. Il ne s’agit pas ici d’être défaitiste face à l’immensité de ce qui est devant nous. Car, contrairement aux dinosaures, nous avons conscience de ce qui arrive et, contrairement aux civilisations aujourd’hui éteintes, nous savons comment cela peut se finir et comment ne pas subir le même sort.

Alors, à nous d’agir !

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Photo de Louis Maniquet sur Unsplash

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